La question du modèle économique et social français revient régulièrement dans le débat public, surtout lorsque l’on compare la France à ses voisins européens. L’exemple de la Suisse, souvent cité pour ses performances économiques, permet de mettre en lumière les choix structurels opérés par la France depuis plusieurs décennies. Voici une analyse, chiffres à l’appui, de cette « expérience de laboratoire » qui oppose deux trajectoires.
Un point de départ similaire, des trajectoires divergentes
Il y a cinquante ans, la France et la Suisse affichaient des niveaux de PIB par habitant et de revenu médian comparables. Leur tissu industriel pesait un poids similaire dans la richesse nationale. Aujourd’hui, l’écart est saisissant :
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PIB par habitant : la Suisse affiche un niveau environ deux fois supérieur à celui de la France.
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Revenu médian : là encore, le revenu médian suisse est environ deux fois plus élevé que celui de la France.
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Poids de l’industrie : la part de l’industrie dans le PIB suisse est le double de celle de la France.
Le choix du « tout État » en France
La France a opté pour un modèle où l’État joue un rôle central dans la vie économique et sociale :
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57% du PIB est consacré à la dépense publique, un record parmi les pays développés.
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Les services publics, bien que massivement financés, souffrent d’une dégradation de leur qualité, phénomène reconnu même par les défenseurs historiques du service public.
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À titre de comparaison, la Suisse consacre environ 32% de son PIB à la dépense publique.
Conséquences économiques et sociales
Ce choix de société a des répercussions directes sur l’économie et le marché du travail :
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Moins d’industrie signifie moins d’emplois qualifiés et bien rémunérés.
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Le marché du travail français se caractérise par un taux de chômage parmi les plus élevés d’Europe, tandis que la Suisse affiche un taux de chômage structurellement bas.
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Beaucoup de travailleurs français occupent des emplois précaires ou mal payés, ou sont exclus du marché du travail.
Redistribution et pauvreté
La France se distingue également par un niveau de redistribution exceptionnel :
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Dépenses sociales : la France consacre près de 31% de son PIB à la protection sociale, un niveau record mondial.
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Malgré cette redistribution massive, le taux de pauvreté reste préoccupant : en 2023, il atteint 15,4%, un record depuis que l’INSEE mesure cet indicateur.
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Ce paradoxe interroge : malgré l’effort redistributif, la pauvreté persiste et le modèle semble peiner à enrayer la précarisation d’une partie de la population.
Poids des dépenses publiques en France et en Suisse (en % du PIB)
Pays | Dépenses publiques (% du PIB, 2024) |
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France | 57,2% |
Suisse | 32,0% |
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France : En 2024, les dépenses publiques atteignent 57,2% du PIB, un des niveaux les plus élevés au monde. Ce ratio reste stable depuis plusieurs années et place la France en tête des pays de l’Union européenne pour le poids de la dépense publique.
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Suisse : En 2024, le poids des dépenses publiques représente 32,0% du PIB. Ce ratio est historiquement bas et stable, la Suisse affichant une gestion budgétaire nettement plus contenue que la plupart des pays européens.
Cette différence structurelle illustre deux modèles économiques et sociaux très distincts : un modèle français marqué par une forte intervention de l’État, et un modèle suisse plus libéral, avec un secteur public plus réduit par rapport à la taille de l’économie nationale.
Un modèle à repenser ?
Face à ces constats, la question de la soutenabilité du modèle français se pose avec acuité. La comparaison avec la Suisse, qui a fait d’autres choix (moins d’État, plus d’industrie, moins de redistribution directe mais des résultats économiques et sociaux plus robustes), invite à une réflexion profonde sur les leviers de croissance, d’emploi et de cohésion sociale.
En définitive, la France est confrontée à une impasse budgétaire et sociale : un niveau de dépenses publiques et sociales parmi les plus élevés au monde, mais des résultats en matière de pauvreté, d’emploi et de croissance qui interrogent. La tentation du « tout État » et de la redistribution massive montre aujourd’hui ses limites, et la nécessité de repenser le modèle devient urgente pour éviter une aggravation de la situation économique et sociale.