Pour des syndicats forts et représentatifs

Grève CGT

La grève nationale : syndicats, financement, représentativité et propositions

Aujourd’hui, la France connaît un mouvement de grève nationale. Cette mobilisation touche plusieurs secteurs stratégiques : les transports (SNCF, RATP, bus, métros, tramways), l’Éducation nationale (du primaire au supérieur), divers services publics, ainsi que d’autres activités impactées par les mesures budgétaires récentes.

Comme à chaque épisode similaire, ce sont les Français des classes moyenne et populaire qui se retrouvent directement pénalisés : des salariés contraints de galérer dans les transports pour rejoindre leur lieu de travail, des parents incapables de déposer leurs enfants dans des écoles fermées, des familles désorganisées par l’impossibilité d’assurer le quotidien.

Une fois encore, une large partie de la population se trouve prise en otage par un nombre limité de grévistes, concentrés comme d’habitude dans le secteur public.

En observant les reportages diffusés ce matin sur France Télévisions, une image revenait sans cesse : la profusion de drapeaux de la CGT. À ce propos, il est difficile de ne pas se souvenir de la manière ironique dont Coluche désignait ce sigle : « Cancer Généralisé du Travail », lui qui n’avait rien d’un capitaliste ni d’un fasciste.

L’écho de cette formule souligne un certain décalage entre l’image revendiquée et la perception publique.

Le mot d’ordre de la mobilisation est officiellement une protestation contre une prétendue politique d’austérité budgétaire.

Mais de quoi parle-t-on exactement ? Le dictionnaire Larousse définit l’austérité comme une « politique économique visant à réduire l’ensemble des revenus disponibles pour la consommation, par le recours à l’impôt, au blocage des salaires, à l’emprunt forcé, aux restrictions de crédit et au contrôle des investissements ».

Or, si l’on observe les chiffres, la réalité est tout autre.

Pour 2026, la dépense publique totale prévue atteint 1 722 milliards d’euros, soit près de 60 % du PIB, en hausse d’environ 29 milliards par rapport à 2025.

La Cour des comptes anticipe un déficit public de 6,1 % du PIB en 2026, un niveau élevé dans le contexte actuel de tensions sur les finances publiques. Peut-on vraiment parler d’austérité quand les dépenses continuent d’augmenter ?

Un rappel historique s’impose. Ceux qui ont connu le « tournant de la rigueur » de 1983, initié par François Mitterrand et Pierre Mauroy, savent ce que signifie véritablement une politique d’austérité.

À l’époque, les dépenses publiques, qui progressaient d’environ 5 % par an, furent brutalement ralenties : quasi-stagnation, voire légères baisses dans certains secteurs. Les salaires des fonctionnaires furent gelés, des réductions d’effectifs décidées, et plusieurs prestations sociales revues à la baisse, notamment via la réforme des retraites ou la maîtrise des dépenses de santé et d’éducation.

Ce « tournant » a permis de contenir l’emballement budgétaire et de ramener la dépense publique autour de 44 à 48 % du PIB, bien loin des niveaux actuels, supérieurs à 57 %.

L’exemple grec est encore plus parlant.

À partir de 2009, la Grèce a subi un plan d’austérité d’une ampleur inédite en Europe. Les dépenses publiques ont chuté d’environ 25 % en volume :
– Les dépenses de santé furent réduites de 50% entre 2009 et 2014.
– La protection sociale baissa de près de 20 %.
– Les salaires des fonctionnaires diminuèrent jusqu’à 30 %.
– Dans l’éducation, les coupes atteignirent 22 %, avec une réduction massive des effectifs.
– Les administrations locales furent restructurées, générant d’importantes économies.

Cette véritable cure d’austérité a profondément transformé la société grecque.

Comparée à ces sacrifices, la situation française actuelle — où les dépenses publiques augmentent encore — ne saurait sérieusement être qualifiée d’« austérité ».

Dès lors, une contradiction apparaît.

Les syndicats déclenchent des grèves au nom d’une austérité imaginaire, alors même que la France ne cesse d’accroître ses dépenses.

Mais dans le même temps, ces mobilisations paralysent l’économie : elles empêchent les travailleurs modestes et moyens d’aller travailler, elles créent une ambiance anxiogène, et elles ralentissent la consommation, qui demeure notre principal moteur économique.

La question de la représentativité syndicale est centrale.

– Dans la fonction publique, le taux de syndicalisation est d’environ 18 %.
– Dans le secteur privé, il chute à 8 %.

En moyenne, moins d’un actif sur dix est syndiqué.

Pourtant, ces organisations disposent d’un pouvoir de nuisance considérable. Comment l’expliquer ?

La réponse réside dans le financement des syndicats. Contrairement à d’autres pays européens, les cotisations des adhérents ne représentent qu’environ 10 % du budget syndical. Le reste — près de 90 % — provient de sources externes, essentiellement publiques :

– Subventions de l’État et des collectivités locales.
– Fonds dédiés au dialogue social, comme l’AGFPN, qui a distribué 147 millions d’euros en 2023.
– Contribution patronale obligatoire de 0,016 % de la masse salariale, soit une centaine de millions d’euros par an.
– Ressources issues de la formation professionnelle (1,5 % des fonds alloués).

En d’autres termes, les syndicats sont massivement financés par nos impôts et par des prélèvements obligatoires, alors même qu’ils ne représentent qu’une minorité d’actifs.

La conséquence est paradoxale. Ce matin, des millions de Français restaient bloqués sur les quais de gare, privés de métro ou contraints de garder leurs enfants faute d’école ouverte.

Or, ce sont précisément nos impôts qui financent les syndicats responsables de ces blocages. Peu de pays, à part la France, auraient pu inventer un modèle aussi contradictoire.

Il est temps de proposer une réforme ambitieuse.

Pour restaurer la crédibilité, renforcer la démocratie sociale et assurer un financement plus transparent, je propose :

  1. Supprimer les subventions ou mécanismes publics de financement qui ne sont pas liés directement à l’audience ou au nombre d’adhérents. Supprimer la contribution patronale de 0,016 %. Ne plus utiliser 1,5% des fonds réservés à la formation professionnelle. Ces fonds devraient être réalloués à la formation professionnelle elle-même.
  2. Renforcer les cotisations des adhérents comme source principale de financement syndical, en favorisant une perception équitable  et une transparence totale sur l’utilisation des fonds.
  3. Accroître la responsabilité et la transparence des syndicats : publication obligatoire des comptes, audit indépendant, justification des dépenses (mises à disposition, locaux, personnel) devant des instances publiques.
  4. Encourager la négociation territoriale et sectorielle en renforçant le dialogue social local, plutôt que des blocages nationaux systématiques, ce qui permettrait plus de souplesse et de prise en compte des réalités concrètes.
  5. Explorer la réforme de la représentativité : revoir les critères de représentativité (audience électorale, taux d’adhésion, etc.), pour que seuls les syndicats véritablement en lien avec une base large puissent avoir les droits de signature d’accords ou de négocier des blocages importants.

Une telle réforme permettrait de parvenir à un pays où 100 % des travailleurs seraient syndiqués, et où les syndicats devraient convaincre par leurs actions et leur proximité avec les réalités sociales, plutôt que vivre de subventions publiques. Les organisations déconnectées disparaîtraient d’elles-mêmes, tandis que de nouveaux syndicats, ancrés dans le quotidien des travailleurs, émergeraient et dialogueraient efficacement avec les organisations patronales.

 

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